Les premières églises chrétiennes asiatiques

Publié le par Marie-Christine

Plan:

- L'évangélisation de Thomas

- Le zèle missionnaire de l'église syriaque

- L'hérésie nestorienne

- L'expansion en Asie

- Rendez-vous manqués: Marco Polo, Râbban Bar Sauma

- La stèle de HsianFu


Introduction

D’après différentes sources apocryphes (quelle est la part des légendes ?), les apôtres se partagent les régions du monde à évangéliser. Alors que les apôtres Pierre, Jean, Paul, concentrent leurs efforts sur l’empire romain, André (Grèce, Balkans, Roumanie), Jacques (Espagne) , Jude (Arménie), Marc sur l’Egypte, Matthieu (Ethiopie), Simon (Perse), l’apôtre Thomas se dirige vers le pays des Parthes : l’Inde.

L’évangélisation de Thomas (1er siècle)

Le texte apocryphe des Actes de Thomas, rédigé en araméen, raconte qu’il a fondé plusieurs églises au Kerala (Inde), avant d’être tué à Maïlapur, vers Madras, en 72.

Les références à Thomas se retrouvent en Arabie, en Inde, en Perse, en Mésopotamie (Edesse). Il a une tombe à Maïlapur, et une autre à Edesse où ont été transférées ses reliques et la lance qui l’a tué.

Le zèle missionnaire de l’église syriaque (du 2ème au 4ème siècle)

Rattachée au siège d’Antioche, Edesse, au royaume d’Osroène (au nord de la Mésopotamie), devient un centre religieux important, dès le 2ème siècle, doté d’une école réputée. Le roi Abgar d’Edesse aurait été le premier roi au monde à demander le baptême, en 196.  A partir de là, se développe une abondante littérature chrétienne rédigée en syriaque. Des missionnaires et des marchands  vont vers la Perse, l’Inde, la Cappadoce, l’Arménie, le Caucase (de la mer caspienne au golfe persique).

Au concile de Nicée (325), on relève la présence d’un certain « Jean de Perse et des grandes Indes ». Les empereurs perses, opposés aux romains, ont eu une politique contraire aux romains : bienveillants envers les chrétiens lorsque les romains les persécutaient, et les considérant comme ennemis lorsque l’empire de Constantin est devenu chrétien. Pour se démarquer de Rome et se protéger, les chrétiens syriaques ont développé un christianisme culturellement et spirituellement différent du christianisme occidental.

C’est pourquoi après avoir adopté les conciles de Nicée (325) et Constantinople (381), l’Eglise Perse se désolidarise des chrétiens d’occident au concile de Séleucie (410) et en prenant partie pour Nestorius au concile d’Ephèse (431).

L’hérésie nestorienne

patriarche NestoriusLe patriarche de Constantinople, Nestorius, en controverse avec le patriarche Cyrille d’Alexandrie, se trouve mis en minorité et désavoué au concile d’Ephèse en 431. Il est condamné comme hérétique et exilé. On lui reproche de séparer en Christ la nature du Fils de Dieu de celle du Jésus humain, et de refuser d’attribuer à Marie le titre de « mère de Dieu ».

Les écrits de Nestorius ont continué d’être étudiés à Edesse, ainsi que les œuvres de Théodore de Mopsueste, Diodore de Tarse et Théodoret de Cyr, jusqu’à la destruction de l’école en 489.

Nestorius et les nestoriens de l’école d’Edesse sont accueillis à bras ouverts par les Perses à Ctésiphon (vers Bagdad). Une autre école s’ouvre à Nisibe (près de la Turquie) vers 485 dont la réputation ira jusqu’en Italie.

L’expansion en Asie

anciennes eglises nestoriennesLes étudiants issus de cette école iront fonder de nouvelles églises dans toute l’Asie.

Vers 345, 400 nestoriens conduits par Thomas Cana, s’installent en Inde, sur la côte de Malabar et trouvent des chrétiens déjà établis.

Vers 450, ils évangélisent l’Arabie et les pays du golfe persique. L’oncle de Khadîdja, épouse de Mahomet était un prêtre nestorien.

Dans les années 500, l’évangélisation touche Ceylan, des tribus turques, les Huns, et le nord de la Perse.

Les églises nestoriennes se répandent  tout  au long de la route de la soie et jusqu’en Chine et en Mongolie. La présence de chrétiens est attestée en Chine dès 635. Un syrien nommé Alopen, arrive à Chang’ An et convertit l’empereur, qui autorise la propagation du christianisme (voir le paragraphe sur la stèle de HsianFu).

 

Le christianisme se développe bien pendant la dynastie des Tang  jusqu’au règne de Tang Wu Tsung qui décide en 845 un retour au confucianisme.

Les chrétiens persécutés se réfugient en Mongolie et en Perse.

 

En Mongolie il y eut des empereurs chrétiens chez les Kéraïtes de 1009 à 1203, avant l’arrivée du conquérant Gengis Khan qui détruisit beaucoup de villes. Mais les fils du Khan furent favorables aux nestoriens.

Les églises se maintiennent jusqu’au 13ème siècle et en Inde jusqu’au 14ème siècle.

 

Au Tibet la présence est attestée dès la fin du 8ème siècle.

En Perse, les musulmans prennent le pouvoir dès 750 avec la dynastie abbasside, mais tolèrent les nestoriens avec qui ils cohabitent.

On estime que les églises nestoriennes comptaient 12 millions de membres vers l’an 1000.


Rendez-vous manqués

Marco Polo était un marchand vénitien qui a séjourné en Chine de 1271 à 1295. Avec son frère, il rendit visite à Kubylaï Khan, petit-fils de Gengis Khan. Celui-ci le charge d’une lettre pour le pape Grégoire II, lui demandant de lui envoyer une centaine d’hommes sages et instruits dans la foi chrétienne pour instruire son peuple, et baptiser ses hauts responsables. A son arrivée en Europe, personne n’a cru aux récits de Marco Polo, les prenant pour des fables : Le pape n’envoya que deux moines dominicains en 1271 avec Marco Polo qui rebroussèrent chemin en cours de route.  20 ans plus tard, des franciscains seront envoyés.

Râbban Bar Sauma et Markos, deux moines nestoriens mongols, décident vers 1280 de quitter Pékin pour faire un pèlerinage à Jérusalem. Obligés de faire étape à Bagdad, il se trouva que le catholicos de Bagdad venait de mourir et les évêques demandèrent à Markos de lui succéder. En 1281, il accepta et devint catholicos sous le nom de Yahballaha III.

Râbban Bar Sauma fut chargé par le Khan de Perse des fonctions d’ambassadeur vers Constantinople et Rome. Il cherchait du soutien pour lutter contre l’Islam. Râbban Bar Sauma fut reçu à Constantinople Rome, Paris et Bordeaux. C’est ainsi qu’à Bordeaux, le roi d’Angleterre lui ayant demandé de célébrer un office selon la liturgie syriaque, il reçut de sa main l’eucharistie de la main d’un moine mongol nestorien venant du pays des « Tartares » en 1287 !

Stèle de Hsian-fu

La stèle de Hsian-Fu

 

Les Jésuites qui arriveront plus tard au 16ème siècle découvriront à leur grande surprise une stèle à Hsian-Fu, érigée en 781. Rédigée en chinois et araméen, elle raconte l’introduction de la « religion lumineuse » en Chine à partir de la Perse, par Alopen. La doctrine du salut y est clairement exposée.

Extraits de la stèle:
Titre:

"Monument commémorant la propagation dans l'Empire du Milieu de l'illustre religion de Ta Ts'in" (c'est-à-dire de la Syrie)

Extraits:

"Il était en Syrie un évêque, du nom de A-lo-pen. Dirigé par la nuée brillante, il apporta les saints livres; percevant l'harmonie des zéphyrs, il affronta les difficultés et les périls du voyage, il chevaucha vers Chang'An, où il arriva dans la neuvième année de Cheng-Kouan. L'empereur envoya le grand ministre à la tête d'une escorte au faubourg de l'ouest, pour accueillir le visiteur et l'introduire. Il lui donna l'hospitalité au palais. Les Ecritures furent traduites à la Bibliothèque Impériale et leur doctrine examinée par l'empereur en personne. On en comprit à fond la rectitude et la vérité et un édit spécial donna expressément la faculté de la prêcher et de la propager".
[...]
"En vérité, Celui qui est pur et paisible, qui, étant sans commencement, est l'origine des origines, incompréhensible et invisible, toujours mystérieusement existant jusqu'à toute fin, qui contrôlant l'axe caché de l'univers, a créé et développé toutes choses, donnant mystérieusement l'existence à de nombreux sages, étant le premier digne d'hommages, n'est-ce pas notre Dieu (Allaha), Trinité une, substance mystérieuse, non engendré et vrai Seigneur ? "
[suit le récit de la création et de la chute]
"Cependant, la seconde personne de notre trinité, le Messie, qui est le brillant Seigneur de l'univers, voilà sa véritable majesté, apparut sur terre en tant qu'homme. Les anges proclamèrent la bonne nouvelle: une vierge mit au monde le Saint en Syrie. Une étoile brillante annonça l'événement béni: la Perse, voyant cet éclat, vint faire hommage de ses présents ... Il accomplit l'Ancienne loi; les Ecritures furent transmises en vingt sept livres ... Fondant la nouvelle religion sur le Saint-Esprit, autre personne de la Trinité, il donna à l'homme la capacité de bien faire par la vraie foi... Il dégagea le monde de la sensualité et le rendit pur. Ouvrant largement la porte des trois vertus, il introduisit la vie et supprima la mort ."
[...]
"Il a ordonné le baptême dans l'eau et l'Esprit, qui libère des vaines pompes du monde et purifie jusqu'à récupération d'une parfaite blancheur. Ses ministres portent la croix comme un sceau, qui répand son influence dans les quatre régions du monde et réunit tout sans distinction."
[...]
"Une fois, chaque septième jour, ils ont un sacrifice non-sanglant."
[...] Conclusion:
"Si l'Empire est tranquille, si les hommes agissent avec droiture, si les vivants prospèrent, si les morts possèdent la joie, c'est le mérite de notre illustre religion."

Pour aller plus loin

de Henri-Irénée DALMAIS : L'aventure "Nestorienne" de la boucle de l'Euphrate jusqu'en Chine
de François-Xavier de Villemagne: Râbban Sauma, envoyé du Grand Khan
De Joseph Jacoub, De Babylone à Pékin, l'expansion de l'Église nestorienne en Chine
sur Wikipedia, voir les articles: nestorianisme, Nestorius, église apostolique assyrienne de l'Orient,
site non officiel du nestorianisme (en anglais): http://www.nestorian.org/

Lire : le Précis d'Histoire des Missions, volume 1 de Jacques Blocher et Jacques Blandenier  (voir Bibliographie)

 

 

Publié dans Survol général

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